C’est une sacrée histoire qui débute en 1914 lorsque Albert Séverin Roche, 19 ans, est refusé par l’armée malgré son désir de s’engager. La raison ? Albert est trop petit, trop chétif.
Ce refus fait le bonheur de son père qui a besoin de lui à la ferme. Mais, poussé par l’envie de défendre son pays, Albert quitte le domicile familial et rejoint le camp d’Allan, dans la Drôme, et est affecté au 30e bataillon de chasseurs.
Et sa carrière militaire commence mal ! Mis de coté et bizuté en raison de son physique, Albert fuit le camp d’entraînement. Vite rattrapé, il est emprisonné pour désertion. Sa ligne de défense : « Les mauvais soldats, on les expédie là-haut, et moi je veux aller où l’on se bat. » Ce trait d’esprit laisse déjà entrapercevoir la suite de l’histoire.
« Les mauvais soldats, on les expédie là-haut, et moi je veux aller où l’on se bat. »
Albert Séverin Roche
Le 3 juillet 1915, le souhait d’Albert est exaucé. Il est envoyé au front, dans l’Aisne, avec le 27e bataillon de chasseurs alpins. Ce bataillon a déjà un sacré passif guerrier puisqu’il est surnommé « les diables bleus » par les Allemands. Et c’est là que commence réellement l’épopée d’Albert.
Dès les premiers jours sur le front, Albert se porte volontaire pour déloger un nid de mitrailleuses ennemi. Il rampe jusqu’aux tranchées ennemies (seul évidemment sinon c’est pas drôle) et se poste à côté de la cheminée du poêle autour duquel les Allemands se réchauffent. Comme dans les films, Albert y balance une paire de grenades et neutralise à lui seul la position. Les Allemands pensant être attaqués par le bataillon entier, se rendent. Bilan de l’embuscade : plusieurs morts, huit prisonniers et les mitrailleuses comme butin. On peut dire que ça commence bien.
Pendant la guerre, Albert se trouvera souvent en première ligne. Un jour en Alsace, il est le seul survivant de sa position. Mais, loin de se décourager, Albert positionne le long de la tranchée tous les fusils de ses camarades décédés et tire en faisant des allers et retours dans la tranchée. Encore une fois l’armée Allemande croit à la défense féroce d’un bataillon au complet et sont mis en déroute tandis qu’il ne s’agit réellement que d’Albert, du haut de ses 1m58.
Le degré de virilité d’Albert augmentera encore lorsqu’il sera fait prisonnier par les Allemands avec son lieutenant blessé et enfermé dans un fortin. Sans trop de pression, Albert parvient à piquer le pistolet de son gardien et à le tuer.
On pourrait s’arrêter là mais non. Albert profite de ce moment pour faire 42 nouveaux prisonniers. Lorsqu’il revient dans sa tranchée avec toute une troupe Allemande et son supérieur sur le dos, ses camarades hallucinent.
La dernière anecdote concernant Albert qui prouve que le destin avait décidé qu’il ne mourrait pas pendant la guerre est la suivante : lors d’une bataille sur le Chemin des Dames, son capitaine est blessé et inconscient en plein milieu du no man’s land. Albert décide d’aller le chercher et rampe pendant 6h sous un feu nourrit pour le rejoindre puis rampe à nouveau, en sens inverse, pendant 4h avec son capitaine sur le dos.
Après avoir confié le capitaine à des infirmiers, il s’endort, épuisé, dans un trou. Lorsqu’il se réveille, une demi douzaine de fusils sont pointés sur lui. En effet, une patrouille le prend pour un déserteur ! Et, malgré ses protestations, sans témoin, Albert est envoyé au cachot dans l’attente du peloton d’exécution.
« Dans une heure je serai fusillé, mais je t’assure que je suis innocent. »
Lettre d’Albert Séverin Roche à son père
Attaché au poteau d’exécution et face au peloton, c’est au dernier moment que le capitaine qu’il a sauvé sort du coma et témoigne pour le disculper. Comme quoi, son heure n’était pas encore venue.
Le 3 septembre 1918, Albert est décoré de la légion d’honneur.
Lorsque la guerre prend fin, Albert a 23 ans, et son bilan guerrier pourrait faire jalouser Rambo : il aura été blessé 9 fois et aura fait pas moins de 1180 prisonniers à lui tout seul. Comble de l’ironie, il est toujours soldat de 1ère classe.
Lorsque le général Foch prend connaissance de ses faits d’armes, Albert est présenté au balcon de l’hôtel de ville de Strasbourg en ces termes : « Alsaciens, je vous présente votre libérateur Albert Roche. C’est le premier soldat de France ! ».
Il sera sélectionné, le 11 novembre 1920, pour être l’un des 7 porteurs du cercueil du Soldat Inconnu*.
Après la démobilisation, il mènera une vie modeste comme ouvrier des routes, puis deviendra pompier. Le destin fera que cet Albert en fer forgé, héros de la 1ère guerre mondiale, mourra en 1939 à 44 ans en étant renversé par une voiture.
*Comment a été sélectionné le Soldat Inconnu ?
Le 8 novembre 1920, Auguste Thin, 21 ans est sélectionné pour choisir le soldat qui reposera sous l’Arc de Triomphe. Auguste est un soldat de deuxième classe du 132e régiment d’infanterie. Il s’est engagé comme volontaire en 1919 et est le fils d’un combattant disparu.
C’est dans les 8 régions Françaises ayant été le terrain des principaux combats de la 1ère guerre mondiale qu’ont été exhumés 8 soldats Français non identifiés.
Le 9 novembre 1920, ces huit cercueils sont placés dans un bunker de la citadelle de Verdun et plusieurs fois changés de place afin que l’on soit sûr que l’anonymat de leur provenance soit préservé. Le 10 novembre, Auguste Thin fait face à 2 colonnes de 4 cercueils. André Maginot, ministre des pensions lui tend un bouquet de fleurs tricolores et lui dit : «Celui que vous choisirez sera le Soldat inconnu, que le peuple de France accompagnera demain sous l’Arc de triomphe».
Après avoir fait un premier tour des cercueils, Auguste Thin dépose le bouquet sur le cercueil choisi. Thin expliquera son choix en ces termes : « Après que j’eus fait le premier tour des cercueils, il me vint une pensée simple. J’appartiens au 6e corps. Mon régiment est le 132e. En additionnant ces chiffres, j’obtins le chiffre 6. Ma décision est prise, ce sera le 6e cercueil que je rencontrerai en partant de la droite que je choisirai. »
Bonjour Bruno, mon père a été mobilisé en 1939 au 27 ème bataillon de chasseurs alpins d’Annecy.
Ce n’était pas la même guerre…
Bravo pour ton blog.
Marie
Bonjour Bruno,
Extraordinaire héro de 14-18 Albert Severin Roche!
C’est un plaisir de découvrir votre blog très varié.
Je vis dans le village natal de ce poilu héroïque, qui malheureusement n’apparaît pas dans les livres d’histoire!
Nous lui rendons hommage, ici à Réauville, son village natal dans la Drôme le 7 Mai 2021.
Son tempérament fougeux, son courage, sa ténacité et son héroïsme nous inspire et nous sommes fiers!
Nous avons l’honneur d’accueillir la flamme du soldat inconnu le 7 Mai 2021 dans notre village.
À cette occasion, les enfants de l’école de Réauville danseront un Hommage chorégraphique à Albert Severin Roche qu’ils ont créé eux même.
Formidable opportunité pour faire connaître, rendre hommage à notre héro Albert Severin Roche et faire un travail de mémoire avec les enfants.
Un grand merci à vous pour votre blog et ce partage!
Bonne continuation à vous!
Cordialement.
Aline C.
Bonjour ! 🙂
Merci pour votre commentaire. Je suis ravi de voir que ce que je partage sur ce blog peut intéresser des lecteurs 😉
Super que l’on continue à organiser de tels hommages !
Bonjour,
avec ma société de production « SILVER LEAF » nous voulons réaliser un court-métrage en son honneur. Ue cagnotte participative va être mise en fonction d’ici quelques temps. Cela t’intéresse t’il?
Incroyable personnage, romanesque à souhait et pourtant! De tels hommes ont bel et bien existés… Merci pour cette incroyable découverte. Chapeau Bas Monsieur Albert.
Miguel Le Bacon